La culture, encore et toujours

La distance à l’art et à la culture est un fléau. Elle coupe nos concitoyens d’une partie de leur développement personnel, partie qu’elles ne peuvent pas trouver ailleurs. Les territoires fragiles en souffrent plus qu'ailleurs. Il faut concevoir une nouvelle politique publique de la culture en lien étroit avec les habitants.

 

De le vie !

 

 

Il faut corriger les inégalités d’accès à la culture qui se sont creusées au détriment des populations ouvrières, et augmenter l’éventail de choix dans l’accès à la culture des classes populaires en général, à la ville et à la campagne.
Car il existe des milliers de territoires désertés alors que la démocratisation de la culture permet de retisser des liens rompus par la crise et la dégradation accélérée de la situation économique et sociale dans les périphéries. Les dispositifs d’appel à projets national que je décris dans mon livre pour les territoires prioritaires de la Politique de la ville peuvent avoir pour priorité l'action culturelle dans les villes les plus désertées par les arts et la culture. L'avantage est que les actions reposeront sur les forces vives locales et les souhaits des habitants qui se porteront candidats.

L’exemple de la diffusion et de la promotion du patrimoine par les sorties organisées dans les cadres scolaires ou municipaux doit aussi faire l’objet d’un nouveau souffle pour tous les élèves  des quartiers prioritaires.

 

Une "bulle pour privilégiés"

André Malraux disait « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ».

 

La culture joue un rôle irremplaçable dans l’émancipation de chacun et dans la construction de notre personne. Ne pas y avoir accès aisément quand on a moins les moyens d’aller la conquérir, cela rend les inégalités encore plus criantes.

 

Le premier ministère de la Culture à la tête duquel André Malraux a été nommé de 1959 à 1969 avait une conception élitiste et verticale de la culture. La démocratie culturelle est née quant à elle en 1981 avec Jack Lang, avec une conception plus ouverte d’une culture que chacun peut contribuer à élaborer et à porter. Malgré cette nouvelle doctrine qui a permis l’intégration des musiques populaires et des cultures urbaines et la naissance de grands évènements tous publics, l’ancrage local en particulier dans les territoires fragiles urbains et ruraux est un échec.

 

La culture demeure dans les banlieues et nos « campagnes » une bulle pour privilégiés. Les territoires ruraux connaissent en effet le même déficit d’offre, et parfois de « demande », que les quartiers populaires. La culture pour tous, partout, est malheureusement une chimère.

 

C’est pourquoi l’accès à la culture dans tous les territoires, ce qui peut sonner comme une formule usée, doit être assuré par la puissance publique à l’appui du principe de la « continuité culturelle ».

 

 

 

Aménager le territoire

Il faut à la fois soutenir la création et l’offre culturelle et répondre à la demande et aux déserts culturels français.

 

En permettant d’abord aux artistes résidant en banlieue de pouvoir s’épanouir et d’être reconnus, mais aussi en permettant à la vie des quartiers d’être vraiment une vie, c’est-à-dire qu’elle s’anime d’une offre culturelle qui n’aurait rien à envier à celle des centres-villes. Il ne s’agit pas d’ouvrir un opéra ou un théâtre dans toutes les cités. Je parle parfois d’équipements et d’évènements simples : une salle de cinéma, une pièce de théâtre itinérant, un festival d’art de rue, un carnaval…

 

Il faut savoir qu’il existe certaines villes de banlieue parisienne sans aucun de ces équipements ou évènements. Prenons l’exemple de Vigneux-sur-Seine, parce que j’y ai grandi et que je milite depuis plusieurs années pour un centre culturel qui serait à la fois le cœur de ville et qui offrirait à la population une salle de théâtre permanente et un cinéma. Pour l’instant, c’est le désert. Pour une ville de 30 000 habitants avec une grande partie d’habitat social, c’est indigne. La puissance publique a échoué en matière culturelle, alors que les collectivités locales sont le ferment de la vie de la cité. Certes, nous sommes dans une  agglomération, en l’occurrence celle de l’Ile-de-France, et nous pourrions prendre une voiture pour faire 10 ou 15 kilomètres. Mais pourquoi devoir quitter sa ville ? Pourquoi condamner une ville dortoir à sommeiller, à ne pas avoir d’avenir culturel ? Pourquoi la distance au centre est-elle le synonyme de double handicap ? Les « banlieusards » ne peuvent-ils pas produire de la culture ? Avec l’éloignement géographique comme obstacle, nous sommes face à une incohérence et une injustice totale.

 

Il faut réformer notre approche de la question culturelle en France. Une politique ambitieuse d’aménagement culturel du territoire doit faire d’abord en sorte de recenser  les équipements culturels existants – bibliothèques, salles de théâtre, cinémas… – et d’élargir leur rayonnement. Y compris d’enrichir le contenu des programmations, et de promouvoir une répartition équilibrée des équipements et évènements dans les territoires.

 

La question du prix est centrale pour les milieux ouvriers et populaires. Une expérimentation doit pouvoir être lancée préfigurant la mise en place de la généralisation de la gratuité sur critères sociaux en fonction du type de programmes et d’équipements. Pour ne pas générer d’effets d’aubaine, c’est-à-dire une augmentation de la fréquentation sans diversification des publics, cette gratuité devra s’accompagner d’une campagne de promotion portée par les collectivités responsables de la compétence « culture » et dans les guichets qui rendent des services publics de proximité aux publics ouvriers et populaires. En parallèle de cette expérimentation sur l’offre, les écoles primaires et collèges faisant partie de ces territoires pilotes pourraient dégager du temps pour assurer un renforcement des disciplines artistiques en tirant parti de ces précieuses programmations.